{Après le festival} Long time no see • Corvus

Calme olympien d’une forêt luxuriante. C’était là le nouveau point d’attache de l’Ermite, laquelle avait fui la civilisation depuis près d’un an, lorsqu’on avait enfin desserrer la laisse qui tenait la chienne guerrière bien docile aux pieds du Maître, Harper Wellington. Désormais – presque – libre de son avancée, la nymphe s’était isolée au cœur de la forêt d’Aglasse, ne pouvant aller plus loin dans son errance. En compagnie des créatures peuplant ces bois-ci, elle retrouvait un semblant de présence d’esprit, des spectres de désirs encore flous, également. De même qu’ici, personne ne venait la déranger. Elle était seule dans son havre de paix.

Construit de ses mains, non sans difficultés, une maisonnée toute modeste faisait office de toit pour la garder du mauvais temps lorsque les larmes du ciel vrillaient de leurs présences de sol forestier qu’elle appréciait tant. Un lit de fortune et quelques aménagements rendait cet endroit moins spartiate qu’il en avait l’air, sans qu’il ne soit pour autant équiper de tout le confort moderne. Loin de là. Ce n’était pas ce qu’elle recherchait, bien au contraire. Cette absence de luxe lui apportait un voile rassurant sur les épaules. Elle souhaitait s’y accrocher et ne plus jamais quitter cet endroit ; une voix lui hurlait pourtant tout au fond d’elle que demain Wellington pourrait la retrouver et lui ordonner de retourner au front. Elle n’aurait pas le choix. Cela la terrifiait jusqu’au bout des ongles.

Pourtant elle s’était bien acclimatée à cet endroit par lequel elle était déjà passé auparavant, lors de missions plus ou moins sanglantes, durant ses années de services pour l’Ordre. Son dernier passage ici, avant de venir s’y réfugier, avait été une mission improvisée aux côtés de la Mort. Depuis, elle n’avait revu ses camarades chevaliers qu’avec la fête de l’Armistice, laquelle s’était déroulée comme une bataille à part entière pour Trudi. Humiliation publique et gêne renforcée, rien n’avait été fait pour qu’elle se sente à l’aise dans ces rues bondées.

Inutile de dire qu’elle n’avait en rien perdu son temps pour retourner vers son « chez elle », impatiente de retrouver la sérénité que cette forêt était à même de lui apporter.

Pourtant, en ce jour, une bien étrange mélopée avait choisi de se disperser entres troncs et les lierres verts foncés. Les oreilles de l’Ermite, soudainement sollicitées, ne purent que faire naître interrogations et inquiétudes dans les entrailles de la concernée. Qui était dans sa part de forêt ? Wellington ? Il était revenu ? Cette simple hypothèse la cloua sur place un instant avant que son sens logique ne se débatte suffisamment. Non. Wellington ne l’avait pas habitué aux ordres chantés. C’était sans doute autre chose.

Alors, la curiosité prenant le pas sur tout le reste, Trudi laissa sa capeline couleur bouteille lui tomber sur les épaules et la tête, dissimulant son visage, ainsi. Puis, se déplaçant avec la légèreté du vent – ou plutôt de la discrétion nécessaire aux assassins pour agir, comme on le lui avait inculqué -, l’Ermite se retrouva alors presque nez à nez avec un individu à l’allure âgée. Ceci étant dit, là, perchée sur une branche d’un grand chêne, elle ne pouvait présumer de rien.